Islamophobie ou sécurité? Procès sur une salle de gym fermée par l’UMP Eric Raoult
Réaction anti-islam ou stricte application des normes de sécurité? La gérante d’une salle de gym réservée aux femmes doit affronter vendredi devant le tribunal administratif la mairie du Raincy, tenue par l’UMP Eric Raoult, qui a fait fermer son établissement.
Le tribunal de Montreuil (Seine-Saint-Denis) va examiner le référé déposé par Lynda Ellabou, 30 ans, une musulmane portant le voile. Elle demande la suspension d’un arrêté municipal ayant contraint à la fermeture son entreprise, «Orty gym», au nom de problèmes de sécurité.
Ouverte le 9 septembre dans une avenue passante de la commune aisée du Raincy, cette salle de fitness de 200m² aux murs orange et rose, réservée aux femmes, a fermé le 19 novembre. La salle ne se présente pas comme confessionnelle: «Il y a des femmes juives inscrites ici, il y a de tout», souligne la gérante auprès de l’AFP.
«Le problème c’était le local et sa sécurité»
«Ça fait un mois qu’on ne travaille pas. Je me sens victime d’une injustice. Pour moi, le maire ne veut simplement pas de femme voilée dans sa commune», poursuit Mme Ellabou, énumérant une longue liste d’«obstacles» dressés depuis la signature du bail fin mai.
Invoquant des problèmes d’accessibilité, de normes sécuritaires, un manque de places de parking et l’illégalité du lieu qui n’a pas obtenu l’accord de la commission communale de sécurité, Eric Raoult, ancien ministre et rapporteur de la loi sur le voile, rejette toute accusation «d’islamophobie».
La gérante «est rentrée dans une logique de discrimination raciale et religieuse mais le problème c’était le local et sa sécurité», affirme-t-il à l’AFP.
Pour Mme Ellabou, il s’agit d’un prétexte: «Nous avons mis le local aux normes comme ils le souhaitaient. Le reste dépend de l’immeuble, pas de notre établissement», soutient-t-elle, précisant avoir fait valider les travaux par un organisme de certification indépendant.
Le club «Orty», qui veut dire soeur en arabe
Au-delà des problèmes de sécurité qui seront discutés vendredi, le maire, également visé par une plainte pour discrimination, pointe le fait que la salle était fermée le vendredi de midi à 15 heures, au moment de la prière musulmane, et que le nom de l’établissement, «Orty», signifie en arabe «soeur», un terme souvent utilisé entre croyants.
M. Raoult reconnaît «que ça peut être un problème pour certaines femmes de faire du sport devant des hommes, mais on peut s’inquiéter que ce type d’établissement ne devienne un commerce sportif religieux. Le principe de laïcité, ce n’est pas simplement pour faire des discours». Il a aussi refusé l’ouverture d’une crèche juive, faute de places de parking, ou l’installation d’une église évangélique.
Mais pour Me Partouche-Kohana, avocate de Mme Ellabou, c’est «la liberté du commerce qui est en jeu car on empêche quelqu’un de travailler».
«Le vrai débat ici c’est la laïcité. On a la gérante d’un établissement privé à qui on demande de le fermer pour certains motifs de non-conformité mais on lui fait comprendre que si elle enlève son voile on modifie ça», déclare-t-elle à l’AFP.
L’avocat de la municipalité, Me Kamel Yahmi, estime que «la gérante a fait les choses un peu trop rapidement au sens de la loi. Elle a ouvert deux mois après avoir déposé son dossier, sans attendre l’autorisation de la mairie. C’est un local qui accueille du public et, s’il se passe quelque chose, la mairie est responsable».
Lynda Ellabou revendique 90 inscriptions de femmes de toutes origines et religions: «Ca démarrait bien et les appels continuent, mais je dois maintenant dire que je suis fermée».